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Les DEUX PAPES

Depuis sa renonciation au siège papal, Benoît XVI vivait retiré dans un monastère dans l’enceinte du Vatican. Cette situation inédite commença de manière paisible et harmonieuse, et puis, au fur et à mesure, que le pontificat du pape François se heurta à des obstacles intérieurs et extérieurs, le « monastère » devint un lieu de rencontre, de conseil, de résistance parfois ou de consolation. Le vaticaniste Massimo Franco dévoile les coulisses de l’histoire étonnante de ce lieu qui n’est pas devenu un lieu de pouvoir, mais certainement un lieu d’influence.

 

Benoit XVI, un « pape fantôme » ?

L’homme du monastère, Ratzinger, symbolise cette bizarrerie, par son statut de pape émérite. Il avait conservé son nom de pape, Benoît XVI, et porte toujours la soutane blanche. Même s’il vivait retiré, il est paradoxalement resté en plein cœur du Vatican. Pour­quoi s’est-il retiré ? Massimo Franco a son hypothèse : « Pro­bablement parce qu’il avait eu peur de tomber malade comme Jean-Paul II et d’être influencé par la curie romaine. Mais je crois en fait qu’il ne pensait pas survivre aussi longtemps. » Pour l’auteur, toute l’ambiguïté de cette posture repose sur le fait qu’il fut désormais pape émé­rite depuis plus longtemps que pape lui-même...

 

Les relations ont- elles évolué entre « les deux papes » au fil du temps ?

Le vaticaniste décrit dans son essai, brillant et précis, les per­sonnalités très différentes des deux papes qui se sont succédé. Il montre également comment tous les deux étaient soucieux de préserver l’unité de l’Église. Ainsi, le pape François a d’abord demandé à Benoît de ne pas être trop distant et de partici­per aux cérémonies publiques. Une sorte de « copaternité » s’est alors dessinée, François poursuivant les réformes que Benoît n’avait pu mener à bien. Mais au fil du temps, alors que les réformes arrivaient à leur terme, les interventions de Benoît XVI ont été jugées comme inappropriées par l’en­tourage du pape François. Le monastère a commencé à être considéré comme le lieu du contre-pouvoir, derrière lequel se déplace une puissante chaîne traditionaliste. Malgré l’enga­gement des deux papes, qui voulaient éviter ces affronte­ments internes, ces oppositions se sont cristallisées.

 

La popularité « posthume » de Benoit XVI

Pour Massimo Franco, la fas­cination autour du cardinal Ratzinger après la fin de de son pontificat peut s’expli­quer par l’hostilité de plus en plus ouverte des catholiques traditionalistes à l’ égard du pape François. Nombreux sont ceux qui lui reprochaient ses réformes que l’auteur décrit comme « visionnaires, mais aussi chaotiques ». C’est aussi la rigueur doctrinale et la finesse théolo­gique de Benoît XVI qui attirait, tandis qu’aujourd’hui, à tort ou à raison, beaucoup considéraient que cela faisait défaut au pontificat de Jorge Mario Bergoglio. En outre, l’isolement et la réclu­sion de Joseph Ratzinger ont fait oublier les scandales de la fin de son pontificat.

 

Benoît XVI, plus révolutionnaire que le pape François ?

À rebours de ce que la plupart des gens pensent, Massimo Franco considère que Benoît XVI est un pape plus révolutionnaire que son successeur. En effet, son renoncement, ou sa « démission », fut une déchirure sans précédent. « Il était l’emblème de ce qui reste encore un tabou : à tel point qu’après neuf ans, la démission d’un pontife n’a toujours pas été encadrée par une règle », affirme l’auteur. Il ajoute que l’on parlait toujours de « deux papes ». Lorsqu’on l’interrogeait sur ses entretiens avec le pape émérite, le vaticaniste affirme avoir été surpris par la simplicité, la fragilité physique, l’aura d’autorité et le mystère dégagés par Benoît XVI. Il avait également été impressionné par sa vivacité intellectuelle : « Même s’il peinait à articuler des mots, il se faisait comprendre. Lorsque nous étions en compagnie du rédacteur en chef du Corriere della Sera, Luciano Fontana, il avait très clairement affirmé qu’il n’y avait qu’un seul pape à Rome, désarmant ainsi les détracteurs de François. »

 

Un tournant dans l’histoire de l’Église

D’après l’auteur, c’est toute la papauté qui a été transformée par cette déchirure capitale qu’a été la renonciation de Benoît XVI en 2013. Il y a eu comme une « humanisation » du pape, avec des conséquences très controversées, qui font encore l’objet de débats et d’embarras. La question sous-jacente, jamais abordée publiquement, est de savoir si la renonciation de Ratzinger a été un unicum, ou un précédent qui ouvrira la voie à d’autres démissions papales.

 

Le fossé entre les deux papes : l’Europe

Benoît XVI était un pape européen aux accents italiens, qui voulait essayer de faire revivre le catholicisme en Occident, et qui croyait et croit encore aux valeurs de l’Occident. Mais l’opération a échoué. François est le fils d’une Amérique latine qui est désormais appelée à réévangéliser une Europe et un Occident déchristianisés, après avoir été une terre de mission. Cela explique pourquoi Bergo-glio s’est concentré sur le tiers monde ; de même des relations avec la Russie, dans le but de réduire le fossé avec la religion orthodoxe ; et de même avec la Chine, pour s’entendre sur la nomination d’évêques et projeter le catholicisme en Asie, où il peine à pénétrer. Mais l’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine, soutenue dans les faits par la Chine, a montré les limites et les contradictions de cette stratégie...

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