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Prof à abattre

Angers, décembre 2021 : Frédéric Mortier, professeur d’économie-gestion, a une altercation avec un de ses I élèves, musulman. Sur le ton de la plaisanterie, il l’invite à « devenir chrétien ». L’affaire devient nationale lorsque l’enseignant est mis en garde à vue, avant d’être suspendu. Il fait soudain l’objet de multiples plaintes, sa vie devient un enfer. Cette affaire invite à s’interroger sur la liberté d’enseigner et la possibilité d’évoquer encore aujourd’hui dans un établissement catholique les racines chrétiennes de notre pays.

 

Selon vous, qu’est-ce qui menace de plus en plus la liberté d’enseigner en France ?

Au sein même de l’école, le* valeurs de la République ne sont plus aujourd’hui chose commune et, de mon point de vue, pour trois raisons : le carac­tère devenu ultrasensible de la laïcité, ces pressions commu­nautaristes et ses séparatisme* que l’on refuse de réguler et enfin, des enseignants qui sont eux-mêmes de plus en plus souvent en quête de sens, e dont l’autorité est constamment remise en cause. De fait le débat en classe, l’humour comme outil pédagogique l’approche de certains faits his­toriques, sont autant de danger qui conduisent bon nombre d’enseignants à s’auto-censurer Les méthodes pédagogiques sont ainsi lissées avec des prof apeurés qui n’osent plus rien dire ni faire.

 

À l’origine, quelle était la mission de l’enseignement catholique ? A-t-elle échoué selon vous ?

En France, l’éducation est longtemps restée l’apanage de l’Église. Le catéchisme, l’ins­truction morale, la préparation aux sacrements, une certaine vision éducative basée sur l’au­torité, la responsabilité et le mérite en étaient, il n’y a pas si longtemps encore, la source. Les années quatre-vingt-dix ont marqué un tournant sur le fond. La parité public-privé a pour conséquence la dissolution de l’enseignement catholique dans l’Éducation nationale. Le recrutement des enseignants se fait sur les mêmes bases, la soumission à l’inspection académique vaut jusque dans les logiciels pédagogiques et administratifs, les directions diocésaines ne s’autorisent plus aucun pouvoir politique, pour ne citer que cela. Hormis quelques établissements dont la tutelle est le plus souvent congrégationiste, il n’existe plus de différences majeures sur le fond entre les établissements publics et les établissements catholiques.

 

Comment la laïcité s’applique t elle dans les écoles catholiques ? Est-elle excessive ?

Elle s’applique de la même manière que dans un établisse­ment public, en s’accommodant du principe de neutralité. L’in­terdiction de signes religieux, la séparation des institutions catholiques et des organisations religieuses, la mise en garde quasi permanente de ne pas devoir affirmer ses convictions religieuses, finissent d’enfermer les enseignants de conviction catholique dans un carcan inextricable.

 

Pensez-vous que le sujet de la religion soit tabou ?

S’il n’était pas clairement tabou jusqu’à ces dernières années, l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty termine un pro­cessus de désengagement de l’enseignement catholique vis-à-vis de ses racines chré­tiennes. À peine a-t-on osé lui rendre hommage dans certains établissements. La peur et aussi les acquis servent de sclérosant. Or, oublier notre histoire, c’est oublier d’où l’on vient et sur­tout où nous allons. Autrefois, l’enseignant était un notable respecté de tous, en tant que personne. Aujourd’hui, il est devenu une machine à débiter ses cours, et que l’on prie de sur­tout ne rien faire d’autre que lire ses photocopies.

 

Avez-vous pu échanger avec cet élève depuis le début de cette affaire ?

La mécanique implacable mise en place à mon encontre ne m’a pas permis à aucun moment de poser le débat avec cet élève ni même sa famille. Je l’ai bien évi­demment souhaité et demandé, mais sans jamais pouvoir l’obte­nir. Ma foi et mes croyances me permettent de prendre du recul sur cette situation, même si par­fois la colère s’exprime. Mais je pense aujourd’hui surtout à tous mes collègues qui pourraient, à terme, subir la même épreuve si toutefois une certaine prise de conscience n’avait pas lieu.

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